Madame Livingstone : Congo, la Grande Guerre

Basée sur le récit d’Apollo, rédigée par Christophe Cassiau-Haurie et mise en lumière par les illustrations de Barly Baruti, la bande dessinée Madame Livingstone a été publiée en 2014 chez Glénat. Il s’agit d’un récit né d’un désir de recherche d’origine et d’une volonté de raconter un épisode de la Première Guerre Mondiale au Congo, zone souvent oubliée des livres d’histoire consacrés à la Grande Guerre.

« La guerre. Ici, cette guerre c’est comme la frontière sur le lac, c’est une affaire de blancs. Et les affaires de blancs, vous savez, c’est jamais très bons pour les noirs. »

Un récit essentiel et intimiste

Souvent nous réduisons la Grande Guerre aux tranchées, or celle-ci s’est aussi déroulée dans plusieurs autres parties du monde et notamment dans les colonies africaines, au détriment des populations locales qui n’avaient que faire de ces conflits auxquels ils se sont retrouvés mêlés de force bien souvent. Madame Livingstone nous propose le récit d’une bataille pour le lac Tanganyika en 1915. Si le contexte historique est véritable, il s’agit ici d’une œuvre de fiction mettant en scène un lieutenant de l’armée belge envoyé en renfort et un congolais, héritier du célèbre explorateur écossais David Livingstone. D’ailleurs, à ce propos, il est préférable, selon Barly Baruti lui-même, de lire la toute dernière page de la BD pour comprendre qu’il s’agit ici d’une recherche d’origine, le nom de famille de Barly étant, à l’origine Livingstone. Cela donne du coup au texte une certaine dimension intimiste plus profonde. Ces deux hommes qui se rencontrent et se découvrent dans une guerre qui n’est pas la leur est pleine de sincérité, de sagesse et de justesse. On a ici affaire à une histoire de partage, un récit essentiel qui nous rappelle que la guerre est, certes, un morceau d’Histoire mais c’est aussi un concentré d’histoires et de singularités. Chaque homme dans cette histoire sanglante est un destin, une vie, un récit et la rencontre, dans ce contexte, de deux univers que tout oppose à l’époque est bouleversante. On ressort ému de la lecture, ému par l’humanité qui se dégage des lignes de ce récit et ému par cette volonté de raconter les choses sans parti pris, si ce n’est celui de la vie et de la paix. Le personnage de Livingstone est d’une intelligence et d’un humanisme bouleversants. Certains échanges nous mènent dans un état contemplatif. Il y a de la philosophie dans cette bande-dessinée, et surtout un profond message d’ouverture, aux autres et au monde.

« Vous ne vous êtes pas servi de votre arme ?

Non Lieutenant, désolé, mais chez moi, on ne tue que pour chasser. »

Une œuvre d’art

Barly Baruti a de l’or dans les mains. Chaque planche de Madame Livingstone est une œuvre d’art. Pour l’anecdote, les éditeurs lui refusaient son style, sa volonté de faire de l’aquarelle, jugeant cette technique dépassée pour le marché de la BD, et heureusement Barly Baruti ne les a pas écouté. Son style donne au récit une dimension envoûtante et des panoramas somptueux. Ses découpages de case donnent un rythme tantôt haletant tantôt contemplatif au récit et ses choix de plans offrent une multiplicité de points de vue rappelant la volonté de raconter la guerre à dimension humaine. Les illustrations sont hyper travaillées et riches de détails historiques bien expliqués dans la partie dossier de recherche présente après l’histoire. J’ai particulièrement apprécié le soin apporté aux couleurs. Je suis restée plusieurs minutes devant certaines planches pour en admirer toutes les nuances. Magnifique ! Les noirs des scènes de nuit sont envoûtants, les paysages sont une explosion de couleurs sublimes, … et seule une technique d’aquarelle pouvait donner un tel résultat.

En bref, Madame Livingstone est une bande-dessinée de grande qualité, sublime visuellement, grâce au talent envoûtant de Barly Baruti, et racontant un récit historique essentiel à dimension humaine.

« En Afrique centrale durant la Première Guerre mondiale, l’aviateur Gaston Mercier, lieutenant de l’armée royale belge, est chargé de couler un cuirassé allemand sur le lac Tanganyika. Pour en découvrir la position exacte, on lui assigne un guide un peu particulier... Ce dernier, un métis énigmatique en kilt qui semble beaucoup plus instruit que les autres autochtones, prétend être le fils du célèbre explorateur David Livingstone. Petit à petit, alors que la guerre entre puissances coloniales belge et allemande fait rage au cœur du continent noir, le jeune pilote belge va essayer d’en apprendre un peu plus sur l’histoire de cet homme qu’on appelle « Madame Livingstone ». »