Dolorès

Publiée dans la collection hors champ de la maison d’édition La Boîte à bulles en 2016, Dolorès est une bande dessinée one-shot de Bruno Loth. Adaptation longue d’une courte BD de dix planches que l’auteur a voulu développer, Dolorès traite de la guerre civile espagnole.

Une grande leçon d’Histoire

A travers une histoire intime, Bruno Loth nous invite à plonger dans l’histoire de l’Espagne et, plus particulièrement, de la guerre civile et de la « retirada » de 1939 où de nombreux partisans Républicains ont tenté de fuir les représailles de Franco. Ces épisodes de l’histoire sont peu étudiés et trop souvent oubliés, et l’auteur nous propose d’y plonger petit à petit, à la manière d’un jeu de piste, dans cet épisode qui coûta la vie à de nombreux civils. En effet, je n’en avais aucune connaissance et j’ai appris que les Républicains ont tenté de fuir par la mer, les routes étant bloquées, et que beaucoup d’entre eux sont restés coincés sur la plage d’Alicante. D’ici, tous ceux qui ne réussirent pas à trouver un bateau furent soient massacrés soient arrêtés et laissés à mourir de faim pour la plupart d’entre eux dans un camp de fortune installé sur place par les fascistes italiens et espagnols. C’est cet épisode tragique que Bruno Loth met en lumière par l’histoire singulière de Dolorès, cette femme qui replonge dans ce passé tragique à la fin de son existence. Terriblement touchants, ses souvenirs font aujourd’hui écho à l’histoire de ces milliers de migrants fuyant, eux aussi, leur pays en guerre au risque de leur vie. En plus de nous faire prendre connaissance de l’Histoire, Bruno Loth apporte un éclairage aux évènements actuels qui se déroulent dans le monde. Il dépeint également une fresque de l’Espagne moderne et des changements qui ont lieu dans le pays depuis peu, avec l’arrivée de nouveaux mouvements politiques. Il ne se contente donc pas d’illustrer le passé mais évoque également son lien avec notre époque créant ainsi une bande dessinée riche en contenu.

Une intimité sincère

Au-delà de la leçon d’Histoire, Bruno Loth nous parle d’une histoire profondément humaine et intimiste. Nathalie, la fille de Dolorès, cherche à enquêter sur le passé de sa mère qui semble soudain revivre des épisodes liés à son enfance dont elle n’a rien dit à personne. La bande dessinée, par ce jeu de piste, apporte une réflexion sur l’importance de l’histoire de nos aînés et de l’intérêt que nous devons porter à leurs témoignages sur une histoire passée qui, encore aujourd’hui, a un impact sur nos vies. Au-delà même du thème de la guerre civile espagnole, c’est la connaissance de notre histoire et de celle, intime, de nos aînés qui est mise en avant. Bruno Loth s’est d’ailleurs servi de réels témoignages de gens rencontrés lors de son séjour espagnol pour écrire cette BD. Il a écouté, retranscrit et illustré ces témoignages pour que l’histoire ne soit pas juste celle des livres et manuels mais aussi celle de chaque personne qui l’a vécue, ce qui fait de Dolorès une oeuvre profondément humaine. 

Une esthétique particulière

Côté dessin, si j’ai envie de souligner le travail très détaillé de chaque planche, je n’adhère pas complètement au coup de crayon de Bruno Loth pour ce qui est des traits humains et notamment des caractéristiques des visages. Ceci est bien sûr extrêmement subjectif. Le choix de la bichromie sépia et noir et blanc m’a également légèrement perturbé puisqu’il renvoie à une notion de « passé » alors que l’histoire reste profondément actuelle. Cependant, j’ai grandement apprécié les planches sans texte qui illustraient à merveille tout ce qui devait s’en dégager sans que les mots n’aient besoin d’y être apposés. Parfois métaphoriques, ces planches m’ont sincèrement émues parce qu’elles transpiraient de la douleur des évènements. 

En bref, Dolorès est une véritable leçon d’Histoire tout en restant à un niveau terriblement humain et intime qui touche et transporte le lecteur. Parlant du passé, mais faisant écho à notre actualité récente, c’est une bande dessinée riche en enseignement que je conseille de parcourir à tous ceux qui en auraient l’occasion.

« Déroutée par la soudaine capacité de sa mère, pourtant sujette à des trous de mémoire, à parler espagnol, Nathalie s’interroge : pourquoi veut-elle se faire appeler Dolorès ? Et d’où proviennent ses cauchemars persistants dans lesquels se côtoient les fascistes, Franco et un mystérieux bateau ?

Pour répondre à ces questions, Nathalie décide d’enquêter sur le passé de sa mère, en Espagne. L’occasion pour elle de découvrir, et de nous faire découvrir, l’histoire de ce pays et les profonds changements qu’il a connus au cours du siècle dernier...

Du 28 janvier au 15 février 1939, plus de 500 000 républicains espagnols tentent de fuir Franco et la guerre civile. Parmi eux, au moins 70 000 enfants atteindront la France.

Est-ce là l’exil forcé que connut Marie, la mère de Nathalie avant son arrivée à l’orphelinat de Montpellier ?»