Model Home

Début septembre, les éditions Aux forges de Vulcain ont publié un nouveau roman de River Solomon intitulé Model Home. Après avoir été époustouflée par les textes précédents de l’auteurice, il me tardait de me plonger dans cette histoire de maison hantée, de secrets de famille et de dénonciation du racisme américain. Et voici ce que j’en ai pensé…

« Quand on dit de quelque chose que c’est une histoire de famille, privée, ça ne l’est presque jamais. C’est ce qu’on dit quand il y a des mauvais traitements et qu’on veut les cacher.»

Encore une nouvelle claque signée Rivers Solomon! Mais il est difficile de vous parler de Model Home sans vous en dévoiler les sujets en détail et vous en gâcher la découverte. Mais je vais m’y atteler du mieux que je peux parce que c’est un roman qui mérite sincèrement la lecture! Avant toute chose, si vous attendez de ce roman une classique histoire de maison hantée, vous risquez potentiellement d’être déçus. Model Home installe en effet son histoire de longues années après qu’Ezri et ses deux sœurs aient quitté le foyer familial qui les a tant horrifiées quand ielles étaient enfants. On y passe quelques instants, on y évoque aussi les souvenirs de terreurs passées mais la maison reste surtout un décor de fond pour un récit intime, hanté autant des souvenirs de fantômes que de souffrances familiales non résolues. C’est un texte dérangeant, malaisant, qui utilise le genre de l’horreur pour mieux dénoncer les failles d’une société raciste et injuste. Rivers Solomon renoue ici avec la puissance des histoires horrifiques qui troublent les contours des définitions de la monstruosité, parlent avec force et puissance de différences et dénoncent, dans les limites du réel, l’inconcevable.

« Ma chérie, s’il y a des personnes couvertes d’un drap blanc à Oak Creek Estates, ce sont les membres du KKK.»

Rivers Solomon, à travers un texte encore une fois puissant et marqué de sa personnalité, évoque les questions de famille, d’héritage traumatique et dresse le portrait d’une Amérique qui conserve en elle les traces d’une ségrégation historique. Iel tisse également le décor d’une famille dysfonctionnelle, d’une mère à la fois tyrannique et aimante, comparée à Dieu, qui tient à l’image de réussite que lui apporte cette maison qui semble pourtant tellement les détruire. Le roman est souvent troublant, nébuleux, emporté par la personnalité chaotique d’Ezri et maintenu au flou par les non-dits de cette famille soudain bouleversée. C’est un récit surprenant, qui joue avec les limites des genres comme du réel et propose plusieurs niveaux de lecture. C’est aussi un texte qui parle d’amour filial, malgré un rejet féroce de la notion de famille. Les liens, la filiation, restent des sujets majeurs dans l’œuvre de Rivers Solomon, tout comme l’antiracisme. Model Home ne fait pas exception à la règle. On ne ressort pas indemne de cette lecture qui est aussi atypique que dévastatrice, par ses sujets comme par sa narration. 

« Ne commencez pas à lire l’histoire de l’esclavage des Noirs dans le Sud des États-Unis ou dans les Caraïbes, sauf si vous êtes prêts à mourir de chagrin.

Un enfant enchaîné que l’on viole, ce n’est pas si rare?

Les humains sont des dieux, ils créent des mondes, puis leur infligent de multiples maux.

Ne me demandez pas comment. N’osez surtout pas me demander comment. Êtes-vous complètement stupides? Vous n’êtes vraiment que de sombres crétins, si vous croyez qu’il y a une raison à tout.»

En bref, Model Home est une nouvelle claque de Rivers Solomon qui nous offre ici un récit horrifique parlant de traumatisme, de secrets de famille et du racisme américain dans une ambiance dérangeante. L’auteurice joue avec le genre horrifique pour parler de monstruosité, dénoncer la violence sociale et mettre en avant la différence dans un roman troublant qui ne nous laisse pas indemnes. J’ai énormément aimé l’originalité de sa narration, la force aussi du propos et je vous conseille vivement de lire ce livre mais aussi les précédents de l’auteurice. 

« Dans la parfaite petite banlieue d’Oak Creek, au Texas, il fait bon vivre. Quand on est blanc.

Les Maxwell sont la seule famille noire à vivre dans ce quartier modèle. À leur emménagement, ils ressentent très vite l’hostilité de leurs voisins, mais aussi celle de leur propre maison. Entre cauchemars et fantômes, les enfants Maxwell, Ezri, Eve et Emmanuelle, vivent une enfance teintée d’horreur auprès d’un père absent et d’une mère tyrannique, qu’ils s’empressent de fuir dès leur passage à l’âge adulte.

Quand, des années plus tard, Ezri est sans nouvelles de ses parents, iel se décide à revenir dans cette maison hantée avec ses sœurs et confronter leur passé. »

(Illustration de couverture : © Elena Vieillard)

- Livre reçu en service de presse. Publication non rémunérée. Merci aux éditeurs. - 

[Diversité: pp neuro atypique, pp noir.e, pp non-binaire, pp homosexue.le, pp juif.ve, pp gros.se, pp diabétique, ps noir.e, ps végan.e, ps neuro atypique, ps autiste, ps diabétique, ps gros.se]

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[Lecture n°30 (42/60 points avec les bonus pour l'échelon 4 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 13 de Ma lecturothèque]

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