Le faire ou mourir

Il y a des livres dont on vous dit un jour « ce livre m’a fichu une grande claque ». Et ce même livre, resté dans votre mémoire, vous le croisez au hasard plus tard et vous avez alors envie de le lire dans la minute qui suit. C’est ce qui est arrivé avec le premier roman de Claire-Lise Marguier-Boulvard, Le faire ou mourir. Il a été édité par les éditions du Rouergue dans la collection do ado en 2011 et voici ce que j’ai en pensé…

Un récit percutant

Pour un premier roman, Le faire ou mourir est loin d’être sans style. En plus d’être parfois d’une grande poésie, Claire-Lise Marguier-Boulvard nous livre le récit de Damien, appelé Dam, à la première personne et via une plume familière et intime qui nous plonge dans son esprit et nous déroule ses émotions comme si nous avions ouvert l’esprit du jeune homme ou son journal intime. Si le récit en devient parfois complexe pour des lecteurs non confirmés, puisqu’il ne découpe pas les dialogues et est très condensé, le texte en devient aussi plus puissant, plus percutant. L’auteur nous oblige à nous confronter aux émotions de ce jeune homme mal dans sa peau, prêt à imploser. On ne peut pas s’en détourner et la familiarité du style nous pousse à nous confronter aussi à l’ado qui est en nous. Si, de mon statut d’adulte, la force du récit m’a moins percuté, j’ai conscience qu’adolescente ce récit m’aurait bouleversé, m’aurait fichu une immense claque et m’aurait surtout confronté à mes propres tourments. Comme la plupart des publications de la collection do ado des éditions Rouergue, le message transmis est sans détour et très réaliste au niveau de la psychologie adolescente. Ce roman-là ne déroge pas à la règle et interroge le besoin de scarification, la difficulté d’assumer qui nous sommes, l’homosexualité ou encore le sentiment de bouillonner de l’intérieur lorsqu'on ne parvient pas à exprimer nos émotions.

« J’aurais voulu lui dire que je me sentais comme abimé. Que j’existais sans vivre vraiment. Que des fois j’étais vide et des fois je bouillonnais à l’intérieur, que j’étais sous pression, prêt à éclater.»

Un roman sombre et beau

Forcément, vu les thématiques abordées, le texte est assez sombre. Il n’est pas pour autant déprimant, attention (d’ailleurs ce serait un peu contre-productif), parce qu’il aussi terriblement beau en abordant par exemple l’amour, entre pudeur et passion avec énormément de justesse. Alors oui, si la plupart du temps c’est dur et sombre (d’ailleurs, il n’est pas à conseillé avant 15 ans), c’est aussi tellement percutant que l’ado lecteur est amené à interroger ses propres sentiments notamment par la construction finale du récit qui le confronte à ses choix de vie. C’est un récit qui avant tout parle aussi d’acceptation de soi. L’auteur nous invite à nous assumer tel que nous sommes, peu importe l’avis des autres, et à vivre pleinement sa vie pour en savourer tous les aspects positifs et reléguer à l’arrière plan ce qui nous pousse dans les méandres sombres de la dépression. Derrière le drame, c’est l’espoir, c’est l’amour et c’est la vie que Claire-Lise Maguier-Boulvard porte en étendard. Elle nous prouve, par l’histoire de Damien que la vie est faite de choix, choix même infimes qui détermineront notre existence, et je crois que ce genre de récit est important, voir même nécessaire à l’adolescence car il remet en question l’impression que rien n’ira mieux après. En tout cas, je suis certaine que personnellement, ado, ce récit m’aurait accompagné et aurait pu marquer profondément mon existence et je le conseillerai vivement aux 15/17 ans que je croiserai dès lors. 

« Je me suis dit qu’on avait l’air d’avoir mille ans tous les deux. Ça m’a fait drôle. L’impression de tout connaître et à la fois d’être d’une naïveté enfantine. J’ai eu peur de demain. Et de tous les jours qui lui succèdent.»

En bref, Le Faire ou mourir est un récit pour adolescent essentiel et puissant dont la force vient à la fois d’un style qui nous confronte à nous-mêmes et des thèmes certes sombres mais portant intrinsèquement des messages purement positifs. A conseiller à tous les ados. dès 15 ans. 

« Damien, garçon solitaire et souvent maltraité par ses copains de classe, est adopté par les gothiques de son nouveau collège. Rapidement il se rapproche de Samy, le leader de la bande, un garçon lumineux et doux, qui le prend sous sa protection. Les deux garçons assument très vite leur relation amoureuse, déclenchant des représailles dans la famille de Dam. On découvre, cependant, que la souffrance de ce dernier remonte à loin, et qu’il se scarifie régulièrement. Un premier roman exceptionnel de vérité et d’écriture. »

(Photographie de couverture : © Dorothy-Shoes)