Là où tombent les anges

Parmi les livres de la collection Electrogène des éditions Gulf Stream, il y en a un qui m’attirait comme un aimant, et notamment depuis la magnifique chronique qu’en a fait Florence sur son blog Flo & Books. Il s’agit de Là où tombent les anges de Charlotte Bousquet, un roman historique sur la première guerre mondiale qui s’attache à la condition des femmes et dont je n’entends que du bien. Voici ce que j’en ai pensé…

Une fresque captivante

Avant toute chose, sachez qu’à la base, les romans historiques ne me plaisent que rarement… mais là, Charlotte Bousquet m’a tellement envoûtée, et ce, dès les premiers mots, que je ne peux m’empêcher d’avoir ressenti petit coup de coeur avec Là où tombent les anges. Véritable fresque historique, ce roman nous plonge dans le Paris de la Belle époque, joyeux, palpitant, puis dans le Paris de la Première guerre mondiale, de plus en plus miséreux, puis de plus en plus révolté. Dès que vous ouvrez le livre, vous vous voyez complètement transporté dans ces lieux, dans cette époque, au point d’en percevoir les odeurs, les sensations, les sons. Charlotte Bousquet a le talent de nous immerger pleinement dans son univers, à la fois par l’emploi du temps présent, mais aussi par l’ajout d’extraits de journaux et de livres de l’époque qui donnent à l’ensemble une impression de réalisme bluffante. On y rencontre aussi de nombreux artistes (Proust, Satie, …), et ce dans des domaines si divers qu’il s’agit aussi d’une fresque culturelle de l’époque. Tout y est écrit avec beaucoup de justesse et ce dans le détail, jusque dans le choix du vocabulaire (avec parfois des explications utiles en bas de page), les prononciations et tournures de phrases différentes selon les personnages, etc. Tout paraît vrai, et on a tellement le sentiment d’y être plongé complètement que le récit est d’autant plus marquant et touchant. 

« Je hais la douleur que je lis sur les visages des femmes endeuillées, l’angoisse de Clémence, les larmes que l’on étouffe à coups de mots bouffis et creux. Honneur. Sacrifice. Devoir. C’est à cela qu’on demande aux parents, aux épouses, amantes, soeurs, filles, de se raccrocher alors qu’on vient de les amputer d’une partie d’eux-mêmes.»

Des sujets multiples

Charlotte Bousquet évoque dans ce roman la période de la Première guerre mondiale mais avec une originalité de point de vue: celui des femmes. Certes, on y parle aussi des combats, par les biais de lettres et de journaux, du front et de son horreur, via des personnages féminins qui s’y impliquent, mais c’est surtout l’impact de cette guerre sur la société et sur les femmes qui en est le centre. La condition féminine, les droits des femmes, le devoir de l’épouse, le travail des munitionettes pour l’effort de guerre, la survie dans cette période sombre… tout est abordé, et ce avec une immense justesse et avec des points de vue assez diversifiés, car toutes n’ont pas la même opinion, et toutes n’ont pas les mêmes conditions de vie. Mais loin de s’en contenter, le roman aborde aussi beaucoup d’autres thématiques, de l’homosexualité à la censure, du patriotisme à la violence domestique, et pourtant sans jamais se perdre dans cette multitude. C’est un roman d’une grande maturité, qui donne un regard d’ensemble sur les moeurs de l’époque. Pourtant, Charlotte Bousquet parvient, dans cette richesse, à maintenir le récit à taille humaine, nous liant à ces destins de femmes qui nous touchent profondément. Avec Clémence, jeune mariée courageuse et terriblement angoissée, on tremble et on se passionne pour Gaston Leroux et Conan Doyle. Avec Marthe, jeune infirmière téméraire, on est ému par son courage et effaré par la guerre. Avec Lily, artiste qui a soif de liberté, on est dans le monde de la lumière et des ombres qu’elle masque. Avec Solange, emprisonnée par son passé et qui cherche à s’affirmer, on découvre la vie bourgeoise et la souffrance aussi… J’ai aimé ces femmes, j’ai tremblé pour elles, avec elles, il y a certaines que j’ai eu envie de secouer, d’autres de rassurer. Chaque récit est palpitant, et le tout, sur fond de guerre, est passionnant. 

« Robert a pleuré devant Cyrano. Lui a promis qu’elle ne manquera de rien, qu’il veillera sur elle. Que lui arrache-t-il, en échange? Un peu de liberté. »

En bref, je ne parvenais plus à reposer le livre une fois commencé, parce que le destin de ces femmes m’a envoûté et parce que l’écriture de Charlotte Bousquet est absolument fabuleuse. A lire, sans hésiter!

« Solange, dix-sept ans, court les bals parisiens en compagnie de Clémence et Lili. Naïve, la tête pleine de rêves, elle se laisse séduire par Robert Maximilien et accepte de l’épouser. Mais son prince est un tyran jaloux, qui ne la sort que pour l’exhiber lors de dîners mondains. Coincée entre Robert et Emma, sa vieille tante aigrie, Solange étouffe à petit feu. Quand la Première Guerre mondiale éclate, Robert est envoyé sur le front. C’est l’occasion pour Solange de s’affranchir de la domination de son mari et de commencer enfin à vivre, dans une ville où les femmes s’organisent peu à peu sans les hommes…»

(Couverture : © Violet Damyan / Arcangel images)

Pour lire un extrait, cliquez ici.

Trailer du livre: