Nos altermondes

Annoncé pour le 12 octobre, le prochain roman de Nicolas Debandt (Illuvendan, Xénome) chez les éditions de L’Homme Sans Nom, est intitulé Nos altermondes. Et comme il était disponible en avant-première lors de la Japan Expo de juillet 2017, que j’adore déjà la maison d’édition et que j’avais complètement adoré l’écriture de Nicolas Debandt dans le recueil de nouvelles Un Noël sans nom, je ne pouvais que craquer pour ce one-shot SF prometteur. Et voici mon avis…

« On est prêt à mettre sa vie dans la balance quand un désir fou et improbable de révolution, de changement, de liberté devient plus fort que l’attente d’une fin, d’une prison ou d’une mort, qui, même lointaine, est une certitude.»

Top top top!!!

Ne faisons pas durer le suspens plus longtemps, j’ai ADORE cette lecture! Déjà, ne serait-ce que pour l’écriture de Nicolas Debandt qui se dévore sans peine et nous embarque complètement dans un univers riche, logique et extrêmement bien pensé. Si tout se déroule sur une autre planète, avec d’autres technologies, on est pas perdu un seul instant, tout est limpide, parce que tout ce qui est créé puise dans notre réalité et devient donc tout de suite crédible mais aussi immersif. En quelques pages il crée un environnement qui nous semble familier sans aucun problème. Parfait pour tout ceux qui craignent le genre SF, le jugeant trop complexe, mais aussi parfait pour les amateurs du genre qui en apprécieront la richesse. Ensuite, l’intrigue nous embarque complètement. Dans ce one-shot il se passe beaucoup de choses, entre manigances politiques, luttes pour la survie, et le tout sur fond de crise écologique. C’est palpitant et il est très difficile de reposer le livre une fois commencé d’autant que le rythme est accentué par une alternance de points de vue et des chapitres assez courts. Et en plus de tout ça, il y a les personnages avec lesquels il est difficile de ne pas avoir d’atomes crochus. Si j’ai eu un coup de coeur pour Nathanaël et Manu, courageux et ouverts aux autres, j’ai aussi bien apprécié la psychologie complexe du personnage d’Ellyn, ouvrière modèle bien baignée dans la propagande et la xénophobie qui évolue logiquement dans sa façon de pensée au fur et à mesure de l’intrigue. Même si elle est par moments antipathique, ses réactions sont logiques, parfaitement bien pensées et soulignent le travail phénoménal sur les caractères des personnages de ce livre. Nicolas Debandt ne maîtrise pas seulement son univers, mais aussi tout ce qui y vit.

« Migrer, c’est garder l’espoir de mieux revenir, et avoir fait croire à tout Térarque que les migrants venaient pour rester et profiter n’est qu’un mensonge ridicule. Personne ne souhaite être étranger toute une vie.»

Terriblement actuel

Ce que j’ai particulièrement apprécié dans cet ouvrage ce sont les thématiques abordées. Car, si l’action se déroule dans un autre monde, beaucoup d’évènements et de notions font écho avec notre réalité et notre possible avenir, faisant de Nos altermondes un roman d’anticipation. Dans cet univers, par exemple, l’écologie est en crise majeure. Les abeilles ayant disparu, l’homme doit lui-même prendre le rôle de pollinisateur en main pour survivre, l’eau potable n’est plus trouvable que par le biais d’expéditions sur d’autres planètes moins polluées, etc… Nous sommes si prêt de cette réalité que ça en est glaçant et on ne peut que reconnaître l’homme de sciences derrière l’auteur pour la maîtrise du sujet. Mais il y a aussi, et surtout, la question migratoire. Dans Nos altermondes, une partie de la planète est détruite, ses habitants doivent tout quitter pour survivre et deviennent alors une masse de migrants qui « salit » les côtes du territoire anciennement ennemi. Nicolas Debandt nous oblige à analyser, sous différents points de vue, la situation des ces migrants malgré eux et c’est fait avec beaucoup d’humanité, mais aussi beaucoup d’intelligence (j’en reviens au personnage d’Ellyn justement). C’est aussi l’aspect lutte de pouvoir que l’auteur met en avant, avec les grands de ce monde qui espèrent être en charge, avoir les pleins pouvoirs, plutôt que de tenter de trouver des solutions pour la survie de leur monde à long-terme, quitte à nier les problèmes et à éliminer ceux qui les gênent… et ça aussi, malheureusement, c’est profondément actuel. En plus d’être un roman palpitant, il est aussi initiateur de réflexions sur notre présent et notre fort probable avenir et ça le rend tellement important et intelligent qu’il m’a procuré un petit coup de coeur. Pourquoi petit? Parce que la fin un peu ouverte m’a terriblement frustré. C’est le genre de livre tellement bien qu’on espère une suite, qui ici n’existera pas, et c’est donc très difficile de se dire qu’on devra se contenter de cette conclusion avec encore quelques zones d’ombres…

« Il y a un moment où le confort ne suffit plus. Il y un moment où la honte est trop forte et trop insupportable.»

En bref, Nos Altermondes est excellent! Un très bon univers de science-fiction limpide, immersif et très réaliste, des thématiques d’actualité, une intrigue palpitante à souhaits, une écriture très agréable, des personnages hyper intéressants… Notez-le bien, il sort le 12 octobre, ne passez pas à côté! Et en attendant, n'oubliez pas de prendre soin des abeilles!

« Dans une société où les abeilles ont disparu et où l'eau potable vient à manquer, l'Humanité est contrainte de trouver des solutions radicales. Certains doivent endosser le rôle de pollinisateurs, tandis que d'autres partent explorer de nouvelles planètes en quête d'eau. Alors qu'une lutte de pouvoir s'installe entre deux continents interdépendants, une catastrophe climatique ébranle les peuples. 

Nathanael, migrant malgré lui. Ellyn, ouvrière modèle.

Leurs destins se croisent, leurs vies se mêlent, et bientôt les intrigues politiques ne compteront plus leurs victimes.»

(Couverture : © Pierre Bertin)