Station Eleven

Voilà sans doute le seul livre de la rentrée littéraire 2016 que je voulais absolument lire depuis l’éloge sublime qu’en avait fait Charlitdeslivres sur son blog. Il s’agit de Station Eleven de la canadienne Emily St. John Mandel, publié en français chez les éditions Rivages. Préparez-vous à une pluie d’éloges, parce que c’est une alerte coup de coeur! 

« L’enfer c’est l’absence de ceux qu’on voudrait tant avoir auprès de soi.»

Somptueux, envoûtant, génial, …

Je me retrouve confrontée à un livre pour lequel je ne voudrais dire que deux choses dans ma critique: c’est beau et lisez-le. Pour être honnête, je pourrai vous citer tous les adjectifs positifs du monde que ça ne suffirait pas à exprimer mon ressenti à la lecture de cet ouvrage. Je me retrouve confronté à un livre que j’ai aimé, profondément et passionnément mais je ne sais même pas comment vous en parler pour vous transmettre à quel point ce livre était BEAU. Beau dans son écriture, qui ne fait pas dans le chichi inutile mais est pourtant pleine de poésie et transporte son lecteur dès la première phrase. Une écriture fluide et passionnante qui nous enveloppe dans un écrin littéraire magnifique. Beau dans son propos, car il ne suffit pas de faire de jolies phrases, il faut aussi qu’elles soient porteuses de sens. Ici, ce sont plein de sujets qui sont abordés, avec délicatesse et justesse, parfois nous laissant nous-mêmes choisir notre conclusion, notre opinion, comme un débat ouvert avec l’autrice. Elle a su, faire de ce monde post-épidémique, un monde d’une profonde beauté et porteur de grands espoirs. L’homme n’est pas juste cette créature sans moralité que le genre présente souvent, il s’intéresse au passé, à la transmission du savoir, à la culture aussi (au sens large d'ailleurs, de Shakespeare aux comics!). Et ça, c’est juste fabuleusement touchant. Beau enfin, par ses personnages. Loin d’être lisses, leur psychologie est très précise, très détaillée et surtout, très réaliste. L’autrice nous présente avec une finesse et un réalisme dingues, les différentes évolutions possibles de l’humain dans un monde en plein chaos, et ce, sans jamais nous imposer un jugement de sa part. J’ai été transportée, de la première à la dernière ligne par ce flot de beauté, dans un monde parfois dur, parfois obscur, mais toujours porteur d’espoir, celui que l’on a au fond de nous tous. J’ai été émue par cette beauté aux larmes parfois, parce qu’Emily St. John Mandel a su me faire regarder mon monde, ma vie, d’une autre façon. C’est quand une description de boule à neige vous met la larme à l’oeil que vous savez que vous êtes confronté à véritable un chef d’oeuvre. 

« Ce qui a été perdu lors du cataclysme: presque tout, presque tous. Mais il reste encore tant de beauté: le crépuscule dans ce monde transformé, une représentation du Songe d’une nuit d’été sur un parking, dans la localité mystérieuse baptisée St. Deborah by the water, avec le lac Michigan qui brille à cinq cent mètres de là.»

Une construction magistrale

Emily St. John Mandel remet en question toutes les fois où j’ai pu dire d’un roman qu’il était bien construit. Rarement je n’ai vu une toile d'intrigue aussi précise, nous faisant basculer via des aller-retours entre différentes époques passées et le présent, d’un personnage à un autre, souvent par le biais de l’histoire d’un objet ou la trace écrite d’un évènement. Et tout se lie, d’une manière ou une autre, absolument tout. L’autrice nous rappelle ainsi la chaine de causalité de nos actions et l’empreinte que nous laissons chaque jour de notre passage, elle illustre aussi l’histoire des objets, en plus de celle des hommes. C’est un roman vraiment épatant qui nous transporte avec une logique sans faille entre les temporalité et les lieux, nous entraînant dans une cadence folle de lecture. Croyez-moi, il est très très difficile de reposer ce livre! Le rythme aussi est savamment dosé, tantôt accélérant, par des chapitres plus courts ou des énumérations brèves, et tantôt s’alanguissant dans des descriptions et des moments de pure poésie et de volupté qui imposent comme une pause contemplative nécessaire. Il n’y a aucun temps mort, aucun mot inutile, aucun évènement anecdotique. Ce livre est juste fabuleux et je crains vraiment de ne pas avoir pu vous transmettre ne serait-ce qu’une moitié des émotions qu’il m’aura procuré.

Bref, Station Eleven est certainement le meilleur livre que j’ai pu lire depuis le début de l’année. Lisez-le, c’est tout ce que je peux dire.

« Dans un monde où la civilisation s’est effondrée suite à une pandémie foudroyante, une troupe d’acteurs et de musiciens nomadise entre de petites communautés de survivants pour leur jouer du Shakespeare. Un répertoire qui en est venu à représenter l’espoir et l’humanité au milieu de la désolation. »

(Photographie de couverture : Upset chair © Michael Kenna)