Résilience : origines d’un parricide

Julia M. Tean, jeune auteure alsacienne plutôt orientée vers le genre fantastique, a publié un texte très contemporain et profondément réaliste à l’automne 2016. Ce court roman s’intitule Résilience: origines d’un parricide et il est publié chez Rebelle éditions dans la Collection Sans Visage. 

[Sachez enfin que pour chaque achat de ce livre, 1€ est reversé à l’association Le Refuge, luttant contre l’homophobie.]

« Ce n’est pas ta sexualité qui détermine si tu es un homme ou pas, c’est ta capacité à aimer les autres… Qu’ils soient du même sexe n’a aucune importance. »

La claque

Je vous préviens tout de suite mon avis risque, malgré quelques heures de maturation, d’être brouillon et passionné tellement ce livre m’a laissé dans un état déplorable, en larmes, lorsque je l’ai achevé. Je suis encore toute bouleversée par cette lecture qui m’a marqué et me marquera certainement encore un temps. Et pourtant, ce livre est plein de petites imperfections, comme quelques répétitions, quelques « longueurs », qui au final sont vite oubliées par l’émotion sincère qu’il procure. C’est un livre imparfait, avec un héros imparfait, qui se révèle être un joli petit coup de coeur, et un coup en plein coeur aussi. On le comprend à la couverture et au partenariat avec Le Refuge, ce livre parle d’homosexualité, mais pas seulement, loin de là. C’est un livre qui, en 140 pages, et avec beaucoup de justesse, parle aussi de racisme, d’amour, de rejet, de l’acceptation de soi, de danse aussi (avec des passages juste tellement envoûtants que je dansais en lisant), du fait d’oser aimer, de s’assumer, de s’ouvrir… Tout est abordé avec finesse, avec poésie. Et dans cette histoire qui est l’opposé absolu du monde des Bisounours, où tout est cruel, dur, brutal, c’est la beauté et la poésie que je retiens de ces pages.  Et c’est aussi l’amour. C’est violent mais qu’est-ce que c’est beau aussi sapristi (je m’auto-censure dans la passion pour rester poli, et puis sapristi est si joli mot)!

« Vincent venait de fêter son dix-neuvième anniversaire, et comme cadeau, il s’est offert un parricide, emballé dans une vieille couverture dégueulasse et imbibée d’essence. Ça a fait un beau feu. Mais il n’avait pas envisagé le détail de l’odeur. Ce relent âcre et écoeurant qu’exhalent les chairs rongées par les flammes. Elle lui colle à la peau, comme une seconde enveloppe. Un linceul. Celui du crime et de la délivrance. »

Une histoire très juste

Résilience c’est l’histoire de Vincent, un jeune homme rejeté, maltraité, qui ne sait plus trop qui il est, ce qu’il est et qui tue son père pour se délivrer (j’avais prévenu, c’est pas les Bisounours). C’est une alternance entre passé douloureux pouvant expliquer le passage à l’acte et la prison où il doit apprendre à se connaître lui-même, séparé de son bourreau. C’est un texte dur, au style parfois violent et acéré, mais c’est aussi un texte aux envolées lyriques somptueuses. Certes ce n’est pas tendre, pas pour Vincent, ni même pour le lecteur. Mais c’est, je pense, un texte assez essentiel car il évoque l’acceptation des différences, qu’elles soient liées à une origine ou à une  sexualité, et l’acceptation de qui l’on est, malgré les rejets éventuels de la société et de la famille. Encore aujourd’hui, que ce soit de façon sordide et généralisée dans d’autres pays du monde ou de façon moins « visible » mais de plus en plus courante dans nos sociétés, le rejet de l’autre pour sa différence est le pire des fléaux. Il ne faut pas oublier cela, il faut au contraire s’y confronter, s’y opposer, et ce texte est un bel étendard pour nous remettre les idées en place. C’est dur mais aussi profondément humain. J’ai aussi décelé dans ces pages un sujet que j’avais déjà évoqué chez Karine Giebel, celui de la considération des jugés coupables, que l’on classe vite comme des monstres, mais dont on oublie aisément ce qui les a forgé à passer à l’acte afin de rester dans notre clivage bien/mal. Julia M. Tean nous propose cette réflexion autour de Vincent et elle le fait avec énormément de subtilité. Et pour ça aussi, cette lecture est marquante et nécessaire. 

« - Tu as besoin de danser?

- Plus que de respirer. »

En bref, Résilience est une claque qui vous fera autant de mal que de bien, qui vous remet les idées en place et qui vous marquera. C’est cruel et poétique, c’est juste et touchant… bref, c’est un livre nécessaire. Et en plus il est pas cher du tout et vous faites une belle action en l’achetant… Alors qu’attendez-vous?

« Vincent a tué son père, son bourreau. Ce meurtre aurait dû le délivrer, mais les fantômes du passé ne meurent jamais. Incarcéré, il doit affronter les souvenirs d’une vie détruite par le monstre qui l’a engendré. »

(Couverture : © Karen M.)

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